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Vers une médecine "régénératrice"

mercredi 12 décembre 2012

Grâce aux propriétés d’auto-renouvellement et de différenciation uniques des cellules souches, les chercheurs espèrent faire des progrès considérables dans la compréhension et le traitement de maladies contre lesquelles les outils traditionnels de la médecine (médicaments, chirurgie) sont inefficaces. Cependant, il convient de rester prudent car les interrogations scientifiques demeurent nombreuses.

L’article ci-dessous s’inscrit dans le cycle "Questions d’actualité" imaginé et mis en place par SCIENCES ESSONNE. Nous vous donnons rendez-vous le 18 décembre prochain à l’Université d’Evry à partir de 13h30.

L’utilisation des cellules souches adultes en thérapie cellulaire

Pratiquer la thérapie "cellulaire", c’est effectuer des greffes visant à restaurer les fonctions de tissus ou d’organes du corps qui sont altérés à cause d’un accident ou d’une pathologie. Ces greffes ont lieu au niveau des cellules qui constituent les organes : on prélève chez un donneur des cellules souches "saines", elles sont mises en culture dans un laboratoire pour atteindre le stade de différenciation voulu, puis transplantées à l’intérieur de l’organe ou du tissu du patient dans le but de remplacer les cellules déficientes ou disparues. Il ne s’agit donc pas de remplacer l’organe ou le tissu manquant, mais de lui redonner, pour ainsi dire, une nouvelle vie : d’où l’idée d’une médecine "régénératrice". Cette technique, qui met en œuvre des cellules souches adultes intervient aujourd’hui dans le traitement de plusieurs dizaines de pathologies.

Beaucoup de cellules souches adultes ne peuvent être utilisées que pour réparer le tissu dont elles sont elles-mêmes issues. C’est le cas par exemple des cellules souches de la peau, qui sont utilisées pour soigner les grands brûlés ou certaines maladies dermatologiques : un petit fragment de peau est prélevé sur le malade, puis mis en culture afin d’en obtenir une plus grande surface, en vue de la greffe. Il s’agit alors d’une greffe dite "autologue", c’est-à-dire que le donneur et le receveur ne sont qu’une seule et même personne.

Certaines cellules souches adultes, dites "multipotentes", possèdent la faculté de produire plusieurs types de cellule. Ainsi, grâce à des cellules souches prélevées dans la moelle osseuse, cellules à l’origine de toutes les cellules sanguines et immunitaires de notre organisme, on peut "dériver" des lignées cellulaires pouvant intervenir dans le traitement de certaines pathologies du sang comme les leucémies.

Les cellules souches adultes n’ont qu’une capacité limitée d’auto-renouvellement. C’est une des raisons pour lesquelles les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux cellules souches embryonnaires, capables de se diviser à l’infini en laboratoire, et de se spécialiser dans tous les types de cellules de l’organisme (pluripotence).

Les possibles applications thérapeutiques des cellules souches embryonnaires

Lorsqu’un couple fait appel à l’assistance médicale à la procréation (ou fécondation in vitro), plusieurs embryons sont créés. C’est le cas, entre autres, pour les diagnostics dits "pré-implantatoires" (DPI), qui sont pratiqués lorsqu’il existe un risque de transmission d’une maladie génétique incurable au sein de la famille : les embryons formés sont étudiés au stade où ils ne sont constitués que de quelques cellules de manière à identifier ceux qui sont indemnes et pourront être ré-implantés dans l’utérus de la mère. Il reste alors des embryons dits "surnuméraires". Lorsqu’ils ne font plus l’objet d’un projet parental, et avec l’accord de la famille, ces embryons surnuméraires peuvent être utilisés pour en récupérer les cellules souches.

Une fois obtenues ces cellules souches embryonnaires, elles peuvent être mises en culture et stockées dans des "banques" de cellules qui sont potentiellement inépuisables (auto-renouvellement infini). Reste alors à tirer parti de leur capacité à donner naissance, une fois mises dans les conditions requises, à n’importe quel type de cellule de l’organisme. Par exemple, la "Chorée de Huntington", une maladie dégénérative du cerveau incurable par les traitements classiques, est provoquée par la destruction des cellules d’une région précise du cerveau, le striatum. Un traitement possible (actuellement en phase préclinique) consiste à prélever des cellules souches sur un embryon, à les mettre en culture de telle façon qu’elles se transforment en neurones, puis les injecter dans le cerveau du malade au niveau des zones lésées. Les cellules souches implantées pourraient coloniser les zones détruites par la maladie puis se transformer en cellules adultes, restaurant ainsi le fonctionnement du cerveau.

Cependant, le grand défi, à ce stade, reste de maîtriser le processus de différenciation des cellules : qu’est-ce-qui fait que telle cellule embryonnaire "produira" du muscle, telle autre du neurone, telle autre des cellules capables de sécréter de l’insuline pour traiter le diabète, etc. ?

Un autre problème qui se pose actuellement aux chercheurs est de maîtriser le processus d’auto-renouvellement des cellules, une prolifération incontrôlée pouvant causer des tumeurs. Les techniques de thérapie cellulaire à partir des cellules souches embryonnaires doivent étudier ce risque, même s’il est limité par le fait qu’on implante non pas directement ces cellules souches, mais des cellules ayant déjà atteint un certain stade de différenciation.

Il reste encore aux scientifiques à résoudre la question du système immunitaire. Cependant, par comparaison à une greffe d’organes, la thérapie cellulaire devrait permettre d’alléger le traitement immunosuppresseur destiné à éviter le rejet. En effet, l’immunité se développe dans les tissus au cours du temps. Greffées lorsqu’elles ont seulement dix semaines de vie environ, les cellules devraient être mieux tolérées par l’organisme qu’un organe.

Mieux comprendre les maladies génétiques

En plus de leurs potentialités en matière de greffes de cellules, les cellules souches embryonnaires peuvent permettre de mieux comprendre les maladies en les modélisant. Ainsi, au cours d’un diagnostic pré-implantatoire, lorsqu’un embryon est porteur de la maladie génétique recherchée, ses cellules souches, avec l’accord des parents, peuvent être récupérées puis mises en culture, pour être ensuite comparées à des cellules embryonnaires saines. Un exemple : des analyses comparatives menées entre des cellules issues d’embryons atteints d’une maladie génétique musculaire dite "dystrophie myotonique de Steinert" et des cellules provenant d’embryons sains ont montré comment cette maladie altérait la transmission de l’information entre le cerveau et les muscles.

Le "criblage" des médicaments

La technique du "criblage" consiste à tester, en un minimum de temps, des composés pharmacologiques en tous genres (micro-organismes, molécules de synthèse, extraits végétaux, etc.) pour identifier de nouveaux médicaments. En fournissant de grandes quantités de cellules modèles de diverses maladies, les cellules souches embryonnaires rendent possible, dans ce domaine, l’analyse parallèle de plusieurs milliers de molécules à visée thérapeutique, et permettent d’évaluer l’efficacité et la non-dangerosité de ces molécules.

Dans les domaines de la modélisation cellulaire des maladies et du criblage pharmacologique, les cellules souches pluripotentes induites (iPS) seront extrêmement utiles : produites à partir de tissus adultes, elles pourront porter des maladies différentes des cellules souches embryonnaires issues du diagnostic pré-implantatoire et pourront représenter une grande variété de pathologies.